La Paz 2017

Déclaration finale du Forum international "Politiques publiques avec les enfants travailleurs : Expériences et perspectives du Sud" à La Paz, Bolivie, du 16 au 18 octobre 2017

Déclaration de La Paz

Pour la défense globale de la dignité et du Vivre bien (Buen Vivir) des enfants qui travaillent

Dans le cadre du Forum international "Politiques publiques avec les enfants travailleurs : Expériences et perspectives du Sud", organisé par les enfants et les jeunes travailleurs, des chercheurs et des représentants d'organisations sociales de quatre continents se sont réunis à La Paz, en Bolivie, du 16 au 18 octobre 2017 pour discuter de la pratique, des concepts et des défis de la protection, de la défense et de la promotion des droits des enfants travailleurs. Les organisateurs du Forum ont fait la déclaration suivante :

Nous vivons dans un monde qui continue à être dominé par des puissances qui dévalorisent, exploitent, détruisent, asservissent et torturent la Terre mère et la vie humaine qui est fondée en elle. Face à ce système d'exploitation brutale, il est ridicule de parler de perspectives de "travail décent" pour les millions de personnes sur la planète qui sont privées de leurs droits et violées dans leur dignité jour après jour. Un modèle économique qui n'élargit pas les possibilités d'emploi et de travail continue à servir les privilèges de certains au détriment de la grande majorité.

Le discours sur le travail des enfants que cultive l'Organisation internationale du travail (OIT) occulte la réalité déshumanisante du système économique néolibéral et les logiques d'exploitation qui sont autorisées et soutenues par les États.  La nouvelle vague d'esclavage explicite ou implicite qui balaie le monde ne peut être imputée au travail de millions d'enfants, mais repose sur la logique du capitalisme mondialisé. Ce capitalisme profite des expulsions et de l'appauvrissement qu'il a lui-même provoqués, afin de forcer les gens à accepter même le pire travail pour ne pas mourir de faim.

L'échec persistant des politiques et pratiques abolitionnistes de criminalisation de la pauvreté et du travail des enfants et de leurs familles remet en question l'institutionnalité juridique de l'OIT. Ils font de la situation des enfants une affaire privée au lieu de la traiter comme une affaire publique qui devrait être traitée par l'État. Cette réalité oblige l'OIT, pour des raisons éthiques et politiques, à assurer la protection des enfants qui travaillent, qu'ils aient ou non atteint l'âge minimum d'admission à l'emploi décrété par l'OIT.

Tant que l'OIT ne se ressaisit pas pour réfléchir de manière critique et réviser ses politiques antérieures, elle jouera avec la vie de millions d'enfants qui travaillent et restera sourde à sa demande d'une politique des États qui protège leurs droits. Il reste à noter que malgré une invitation explicite à participer au Forum, l'OIT a une fois de plus refusé d'écouter les enfants travailleurs organisés. Ceci s'ajoute aux preuves du mépris dont cette organisation internationale fait preuve une fois de plus lorsqu'elle annonce qu'elle aura aboli toutes les formes de travail des enfants d'ici 2025. Selon le dernier rapport de l'OIT (Global estimates of child labour. Results and trends 2012-2016), nous aurons encore 121 millions d'enfants au travail en 2025. Cela fait apparaître la stratégie d'abolition comme une chronique d'échec annoncé. Cela signifie qu'il y aura plusieurs générations d'enfants travailleurs pendant longtemps au cours de ce siècle. Que va-t-il leur arriver ? Que fera l'OIT ? Continuera-t-elle à leur refuser toute forme de reconnaissance sociale, les condamnant à l'invisibilité sociale ?

Face à cette attitude sourde, arrogante et dogmatique, l'attitude de l'État plurinational de Bolivie mérite d'être reconnue pour avoir résisté à toutes les pressions internationales en défense de sa souveraineté pour révoquer la loi sur l'enfance et la jeunesse (loi n° 548), qui donne la priorité à la protection des enfants travailleurs sur l'abolition du travail des enfants. Toutefois, sa mise en œuvre se heurte à d'importants défis, notamment les suivants :

  • a) Étendre et consolider la capacité d'action des médiateurs (defensorías) pour protéger les droits des enfants, sans limiter leur rôle à l'octroi de permis de travail
  • b) Permettre et faciliter la participation des enfants qui travaillent dans les comités d'enfants et de jeunes ;
  • c) renforcer la capacité d'action des municipalités afin d'assurer une mise en œuvre adéquate de la loi.

Compte tenu de la "IV. Conférence mondiale sur l'élimination durable du travail des enfants", qui aura lieu à Buenos Aires, en Argentine, du 14 au 16 novembre, nous accusons l'OIT de refuser une fois de plus la participation des enfants qui travaillent. En refusant de les écouter, elle viole leurs droits civils et politiques, en particulier le droit à la participation inscrit dans la Convention des Nations unies sur les droits de l'enfant.

Les limites et l'échec évidents des politiques actuelles à l'égard des enfants qui travaillent ont déjà engendré trop de souffrances et de violations des droits de l'enfant. Il est temps de changer radicalement cette politique en reprenant les expériences et les exigences des enfants qui travaillent et en construisant avec eux un avenir meilleur.

Les Mouvements des Enfants Travailleurs et les organisations et personnes qui les accompagnent se joignent aux luttes des mouvements sociaux et des peuples qui défendent la dignité, le Vivre bien (Buen Vivir) et les droits de l'homme dans différentes parties du monde.

La Paz, le 18 octobre 2017

Mise à jour : 14.12.2020